L'Œuvre

L'Œuvre (paragraphe n°2343)

Chapitre XII

En effet, sous le ciel gris de cette matinée de novembre, dans le frisson pénétrant de la bise, les tombes basses, chargées de guirlandes et de couronnes de perles, prenaient des tons très fins, d'une délicatesse charmante. Il y en avait de toutes blanches, il y en avait de toutes noires, selon les perles ; et cette opposition luisait doucement, au milieu de la verdure pâlie des arbres nains. Sur ces loyers de cinq ans, les familles épuisaient leur culte : c'était un entassement, un épanouissement que le récent jour des Morts venait d'étaler dans son neuf. Seules, les fleurs naturelles, entre leurs collerettes de papier, s'étaient fanées déjà. Quelques couronnes d'immortelles jaunes éclataient comme de l'or fraîchement ciselé. Mais il n'y avait que les perles, unruissellement de perles cachant les inscriptions, recouvrant les pierres et les entourages, des perles en cœurs, en festons, en médaillons, des perles qui encadraient des sujets sous verre, des pensées, des mains enlacées, des nœuds de satin, jusqu'à des photographies de femme, de jaunes photographies de faubourg, de pauvres visages laids et touchants, avec leur sourire gauche.

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