La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1151)

Chapitre VII

Sur le plateau, en effet, la Lison continua sa marche avec une bonne vitesse, sans trop de peine. Elle se lassait pourtant. A toute minute, le mécanicien devait faire son geste, ouvrir la porte du foyer, pour que le chauffeur mît du charbon ; et, chaque fois, au-dessus du train morne, noir dans tout ce blanc, recouvert d'un linceul, flambait l'éblouissante queue de comète, trouant la nuit. Il était sept heures trois quarts, le jour naissait ; mais, à peine en distinguait-on la pâleur au ciel, dans l'immense tourbillon blanchâtre qui emplissait l'espace, d'un bout de l'horizon à l'autre. Cette clarté louche, où rien ne se distinguait encore, inquiétait davantage les deux hommes, qui, les yeux pleins de larmes, malgré leurs lunettes, s'efforçaient de voir au loin. Sans lâcher le volant du changement de marche, le mécanicien ne quittait plus la tringle du sifflet, sifflant d'une façon presque continue, par prudence, d'un sifflement de détresse qui pleurait au fond de ce désert de neige.

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