La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1162)

Chapitre VII

Tout de suite, Jacques sentit que l'état de la voie changeait. Ce n'était plus la plaine, le déroulement à l'infini de l'épais tapis de neige, où la machine filait comme un paquebot, laissant un sillage. On entrait dans le pays tourmenté, les côtes et les vallons dont la houle énorme allait jusqu'à Malaunay, bossuant le sol ; et la neige s'était amassée là d'une façon irrégulière, la voie se trouvait déblayée par places, tandis que des masses considérables avaient bouché certains passages. Le vent, qui balayait les remblais, comblait au contraire les tranchées. C'était ainsi une continuelle succession d'obstacles à franchir, des bouts de voie libre que barraient de véritables remparts. Il faisait plein jour maintenant, et la contrée dévastée, ces gorges étroites, ces pentes raides, prenaient, sous leur couche de neige, la désolation d'un océan de glace, immobilisé dans la tourmente.

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