La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1168)

Chapitre VII

Quand le foyer fut chargé, la pression remonta ; et il était temps, la Lison venait de s'engager au fond d'une tranchée, où elle avait à fendre une épaisseur de plus d'un mètre. Elle avançait dans un effort extrême, dont elle tremblait toute. Un instant, elle s'épuisa, il sembla qu'elle allait s'immobiliser, ainsi qu'un navire qui a touché unbanc de sable. Ce qui la chargeait, c'était la neige dont une couche pesante avait peu à peu couvert la toiture des wagons. Ils filaient ainsi, noirs dans le sillage blanc, avec ce drap blanc tendu sur eux ; et elle-même n'avait que des bordures d'hermine, habillant ses reins sombres, où les flocons fondaient et ruisselaient en pluie. Une fois de plus, malgré le poids, elle se dégagea, elle passa. Le long d'une large courbe, sur un remblai, on put suivre encore le train, qui s'avançait à l'aise, pareil à un ruban d'ombre, perdu au milieu d'un pays des légendes, éclatant de blancheur.

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