La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1276)

Chapitre VII

Et, comme, les allées et venus de Misard laissaient la porte ouverte, tante Phasie, de son lit de malade, regardait. C'était donc là ce monde, qu'elle aussi voyait passer dans un coup de foudre, depuis un an bientôt qu'elle se traînait de son matelas à sa chaise. Elle ne pouvait même plus que rarement aller sur le quai, elle vivait ses jours et ses nuits, seule, clouée là, les yeux sur la fenêtre, sans autre compagnie que ces trains qui filaient si vite. Toujours elle s'était plainte de ce pays deloups, où l'on n'avait jamais une visite ; et voilà qu'une vraie troupe débarquait de l'inconnu. Dire que, là-dedans, parmi ces gens pressés de courir à leurs affaires, pas un ne se doutait de la chose, de cette saleté qu'on lui avait mise dans son sel ! Elle l'avait sur le cœur, cette invention-là, elle se demandait s'il était Dieu permis d'avoir tant de coquinerie sournoise, sans que personne s'en aperçût. Enfin, il passait pourtant assez de foule devant chez eux, des milliers et des milliers de gens ; mais tout ça galopait, pas un qui se serait imaginé que, dans cette petite maison basse, on tuait à son aise, sans faire de bruit. Et tante Phasie les regardait les uns après les autres, ces gens tombés de la lune, en réfléchissant que, lorsqu'on est si occupé, il n'était pas étonnant de marcher dans des choses malpropres et de n'en rien savoir.

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