La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1390)

Chapitre VIII

Il m'a fait écrire au président de partir par l'express, en même temps que nous, et de ne se montrerqu'à Rouen... Moi, je tremblais dans mon coin, éperdue en songeant au malheur où nous allions. Et il y avait, en face de moi, une femme en noir qui ne disait rien et qui me faisait grand-peur. Je ne la voyais même pas, je m'imaginais qu'elle lisait clairement dans nos crânes, qu'elle savait très bien ce que nous voulions faire... C'est ainsi que se sont passées les deux heures, de Paris à Rouen. Je n'ai pas dit un mot, je n'ai pas remué, fermant les yeux, pour faire croire que je dormais. A mon côté, je le sentais, immobile lui aussi, et ce qui m'épouvantait, c'était de connaître les choses terribles qu'il roulait dans sa tête, sans pouvoir deviner exactement ce qu'il avait résolu de faire... Ah ! quel voyage, avec ce flot tourbillonnant de pensées, au milieu des coups de sifflet, des cahots et du grondement des roues !

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