La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1765)

Chapitre X

Ce ne fut que plus d'une heure après qu'on vint ramasser le cadavre de Flore. Le mécanicien avait bien vu cette grande figure pâle marcher contre la machine, d'une étrangeté effrayante d'apparition, sous le jet de clarté vive qui l'inondait ; et, lorsque, brusquement, la lanterne éteinte, le train s'était trouvé dans une obscurité profonde, roulant avec son bruit de foudre, il avait frémi, en sentant passer la mort. Au sortir du tunnel, il s'était efforcé de crier l'accident au gardien. Mais, à Barentin seulement, il avait pu raconter que quelqu'un venait de se faire couper, là-bas : c'était certainement une femme : des cheveux, mêlés à des débris de crâne, restaient collés encore à la vitre brisée du fanal. Et, quand les hommes envoyés à la recherche du corps le découvrirent, ils furent saisis de le voir si blanc, d'une blancheur de marbre. Il gisait sur la voie montante, projeté là par la violence du choc, la tête en bouillie, les membres sans une égratignure, à moitié dévêtus, d'une beauté admirable, dans la pureté et la force. Silencieusement, les hommes l'enveloppèrent. Ils l'avaient reconnue. Elle s'était sûrement fait tuer, folle, pour échapper à la responsabilité terrible qui pesait sur elle.

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