La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1817)

Chapitre XI

Une nuit, Jacques, qui commençait à faire quelques pas dans sa chambre, s'étant levé et approché de la fenêtre, vit une lanterne aller et venir chez Misard : sûrement, l'homme cherchait. Mais, la nuit suivante, comme le convalescent guettait de nouveau, il eut l'étonnement de reconnaître Cabuche, dans une grande forme sombre, debout sur la route, sous la fenêtre de la pièce voisine, où dormait Séverine. Et cela, sans qu'il sût pourquoi, au lieu de l'irriter, l'emplit de commisération et de tristesse : un malheureux encore, cette grande brute, plantée là, ainsi qu'une bête affolée et fidèle. Vraiment,Séverine, si mince, pas belle lorsqu'on la détaillait, était donc d'un charme bien puissant, avec ses cheveux d'encre et ses pâles yeux de pervenche, pour que les sauvages eux-mêmes, les colosses bornés, eussent ainsi la chair prise, jusqu'à passer les nuits à sa porte, en petits garçons tremblants ! Il se rappela des faits, l'empressement du carrier à l'aider, les regards de servitude dont il s'offrait à elle. Oui, certainement, Cabuche l'aimait, la désirait. Et, le lendemain, l'ayant surveillé, il le vit qui ramassait furtivement une épingle à cheveux, tombée de son chignon, en faisant le lit, et qui la gardait dans son poing, pour ne pas la rendre.

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