La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1844)

Chapitre XI

Non, non, encore moins avec celui-là qu'avec l'autre. Avec personne, entends-tu, parce que je ne pourrais pas... Et veux-tu savoir pourquoi ? Va, je le sens à cette heure, je suis sûre de ne pas me tromper : c'est parce que tu m'as prise tout entière. Il n'y a pas d'autre mot : oui, prise, comme on prend quelque chose des deux mains, qu'on l'emporte, qu'on en dispose à chaque minute, ainsi que d'un objet à soi. Avant toi, je n'ai été à personne. Je suis tienne et je resterai tienne, même si tu ne le veux pas, même si je ne le veux pas moi-même... Ça, je ne saurais l'expliquer. Nous nous sommes rencontrés ainsi. Avec les autres, ça me fait peur, ça me répugne ; tandis que toi, tu as fait de ça un plaisir délicieux, un vrai bonheur du ciel... Ah ! je n'aime que toi, je ne peux plus aimer que toi !

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