La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1847)

Chapitre XI

Notre existence a beau être barrée, tant pis ! Si je n'attends de toi rien de nouveau, si je sais que demain ramènera pour nous les mêmes ennuis et les mêmes tourments, ça m'est égal, je n'ai pas autre chose à faire que de traîner ma vie et de souffrir avec toi. Nous allons retourner au Havre, ça ira comme ça voudra, pourvu que je t'aie ainsi une heure, de temps à autre... Voici trois nuits que je ne dors plus, torturée dans ma chambre, là, de l'autre côté du palier, par le besoin de venir te rejoindre. Tu avais été si souffrant, tu me semblais si sombre, que je n'osais pas... Mais, dis, garde-moi, ce soir. Tu verras comme ce sera gentil, je me ferai toute petite, pour ne pas te gêner. Et puis, songe que c'est la dernière nuit... On est au bout de la terre, dans cette maison. Ecoute, pas un souffle, pas une âme. Personne ne peut venir, nous sommes seuls, si absolument seuls, que personne ne le saurait, si nous mourions aux bras l'un de l'autre.

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