La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1883)

Chapitre XI

Ce fut seulement à neuf heures un quart que Jacques se retrouva devant la maison solitaire, plantée de biais au bord de la voie, dans la détresse de son abandon. La nuit était très noire, pas une lueur n'éclairait la façadehermétiquement close. Et il eut encore au cœur le choc douloureux, ce coup d'affreuse tristesse, qui était comme le pressentiment du malheur dont l'inévitable échéance l'attendait là. Ainsi que cela était convenu avec Séverine, il jeta trois petits cailloux dans le volet de la chambre rouge ; puis, il passa derrière la maison, où une porte, silencieusement, finit par s'ouvrir. L'ayant refermée derrière lui, il suivit des pas légers qui montaient l'escalier, à tâtons. Mais, en haut, à la lueur de la grosse lampe brûlant sur le coin d'une table, quand il aperçut le lit déjà défait, les vêtements de la jeune femme jetés en travers d'une chaise, et elle-même en chemise, les jambes nues, coiffée pour la nuit, avec ses cheveux épais, noués très haut, dégageant le cou, il resta immobile de surprise.

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