La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°2070)

Chapitre XII

Le train qui devait partir vers six heures, fut retardé. Il était nuit déjà, lorsqu'on embarqua les soldats comme des moutons, dans des wagons à bestiaux. On avait simplement cloué des planches en guise de banquettes, on les empilait là-dedans, par escouades, bourrant les voitures au-delà du possible ; si bien qu'ils s'y trouvaient assis les uns sur les autres, quelques uns debout, serrés à ne pas remuer un bras. Dès leur arrivée à Paris, un autre train les attendait, pour les diriger sur le Rhin. Ils étaient déjà écrasés de fatigue, dans l'ahurissement du départ. Mais, comme on leur avait distribué de l'eau-de-vie, et que beaucoup s'étaient répandus chez les débitants du voisinage, ils avaient une gaieté échauffée et brutale, très rouges, les yeux hors de la tête. Et, dès que le train s'ébranla, sortant de la gare, ils se mirent à chanter.

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