La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°219)

Chapitre II

Ce soir-là, à la tombée du jour, par un temps gris très doux, un voyageur, qui venait de quitter à Barentin un train du Havre, suivait d'un pas allongé le sentier de la Croix-de-Maufras. Le pays n'est qu'une suite ininterrompue de vallons et de côtes, une sorte de moutonnement du sol, que le chemin de fer traverse, alternativement, sur des remblais et dans des tranchées. Aux deux bords de la voie, ces accidents de terrain continuels, les montées et les descentes, achèvent de rendre les routes difficiles. La sensation de grande solitude en est augmentée ; les terrains, maigres, blanchâtres, restent incultes ; des arbres couronnent les mamelons de petits bois, tandis que, le long des vallées étroites, coulent des ruisseaux, ombragés de saules. D'autres bosses crayeuses sont absolument nues, les coteaux se succèdent, stériles, dans un silence et un abandon de mort. Et le voyageur, jeune, vigoureux, hâtait le pas, comme pour échapper à la tristesse de ce crépuscule si doux sur cette terre désolée.

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