La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°366)

Chapitre II

Mais un grondement, derrière son dos, le força à sauter de côté. Un train arrivait, qu'il n'avait pas même entendu, au fond de sa contemplation. Il allait être broyé, l'haleine chaude, le souffle formidable de la machine venait seul de l'avertir. Le train passa, dans son ouragan de bruit, de fumée et de flamme. Il y avait beaucoup de monde encore, le flot de voyageurs continuait vers Le Havre, pour la fête du lendemain. Un enfant s'écrasait le nez contre une vitre, regardant la campagne noire ; desprofils d'hommes se dessinèrent, tandis qu'une jeune femme, baissant une glace, jetait un papier taché de beurre et de sucre. Déjà le train joyeux filait au loin, dans l'insouciance de ce cadavre que ses roues avaient frôlé. Et le corps gisait toujours sur la face, éclairé vaguement par la lanterne, au milieu de la mélancolique paix de la nuit.

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