La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°580)

Chapitre III

C'était fini, le groupe des curieux se dissipa peu à peu, le service de la gare reprit son activité. Roubaud surtout dut courir s'occuper de l'omnibus de neuf heurescinquante, dans lequel des voyageurs montaient déjà. Il avait donné à Jacques une poignée de main, plus vigoureuse que de coutume ; et celui-ci, resté seul avec Séverine, derrière madame Lebleu, Pecqueux et Philomène, qui s'en allaient en chuchotant, s'était cru forcé d'accompagner la jeune femme sous la marquise, jusqu'à l'escalier des employés, ne trouvant rien à lui dire, retenu pourtant près d'elle, comme si un lien venait de se nouer entre eux. Maintenant, la gaieté du jour avait grandi, le soleil clair montait vainqueur des brumes matinales, dans la grande limpidité bleue du ciel ; pendant que le vent de mer, prenant de la force avec la marée montante, apportait sa fraîcheur salée. Et, comme il la quittait enfin, il rencontra de nouveau ses larges yeux, dont la douceur terrifiée et suppliante l'avait si profondément remué.

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