La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°606)

Chapitre IV

Lorsque les Lachesnaye entrèrent, monsieur Denizet, debout devant son bureau, relisait un des premiers interrogatoires, que son greffier venait de chercher dans le dossier. C'était un homme petit et assez fort, entièrement rasé, grisonnant déjà. Les joues épaisses, le menton carré, le nez large, avaient une immobilité blême, qu'augmentaient encore les paupières lourdes, retombant à demi sur de gros yeux clairs. Mais toute la sagacité, toute l'adresse qu'il croyait avoir, s'était réfugiée dans la bouche, une de ces bouches de comédien jouant leurssentiments à la ville, d'une mobilité extrême, et qui s'amincissait, dans les minutes où il devenait très fin. La finesse le perdait le plus souvent, il était trop perspicace, il rusait trop avec la vérité simple et bonne, d'après un idéal de métier, s'étant fait de sa fonction un type d'anatomiste moral, doué de seconde vue, extrêmement spirituel. D'ailleurs, il n'était pas non plus un sot.

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