La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°80)

Chapitre I

Je me souviens... Quand j'étais gamine et que je jouais avec des amies, dans les allées, s'il venait à paraître, toutes se cachaient, même sa fille Berthe, qui tremblait sans cesse d'être en faute. Moi, je l'attendais, tranquille. Il passait, et en me voyant là, souriante, le museau levé, il me donnait une petite tape sur la joue... Plus tard, à seize ans, lorsque Berthe avait une faveur à obtenir de lui, c'était toujours moi qu'elle chargeait de la demande. Je parlais, je ne baissais pas les regards, et je sentais les siens qui m'entraient sous la peau. Mais je m'en moquais bien, j'étais si certaine qu'il accorderait tout ce que je voudrais !... Ah ! oui, je me souviens, je me souviens ! Là-bas, il n'y a pas un taillis du parc, pas un corridor, pas une chambre du château, que je ne puisse évoquer en fermant les yeux.

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