La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1060)

Chapitre XII

Marthe s'étonnait de la persistance que tout le monde mettait à vouloir que son mari et l'abbé ne fussent pas bons amis. Souvent, au comité de l'œuvre de la Vierge, ces dames lui posaient des questions qui l'impatientaient. La vérité était qu'elle se trouvait très heureuse, très calme ; jamais la maison de la rue Balande ne lui avait paru plus tiède. L'abbé Faujas lui ayant laissé entendre qu'il se chargerait de sa conscience, lorsqu'il jugerait que l'abbé Bourrette deviendrait insuffisant, elle vivait dans cette espérance, avec des joies naïves de première communiante à laquelle on a promis des images de sainteté, si elle est sage. Elle croyait, par instants, redevenir enfant ; elle avait des fraîcheurs de sensation, des puérilités de désir, qui l'attendrissaient. Au printemps, Mouret, qui taillait ses grands buis, la surprit, les yeux baignés de larmes, sous la tonnelle du fond, au milieu des jeunes pousses, dans l'air chaud.

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