La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1541)

Chapitre XVI

Puis c'étaient des taquineries. Elle lui passait les assiettes fêlées, lui mettait un pied de la table entre les jambes, laissait à son verre les peluches du torchon, posait le pain, le vin, le sel, à l'autre bout de la table. Mouret seul aimait la moutarde ; il allait lui-même chez l'épicier en acheter des pots, que la cuisinière faisait régulièrement disparaître, sous prétexte que " ça puait. " La privation de moutarde suffisait à lui gâter ses repas. Ce qui le désespérait plus encore, ce qui lui coupait absolument l'appétit, c'était d'avoir été chassé de sa place, de la place qu'il avait occupée de tout temps, devant la fenêtre, et qu'on donnait au prêtre comme étant la plus agréable. Maintenant, il faisait face à la porte ; il lui semblait manger chez des étrangers, depuis qu'à chaque bouchée il ne pouvait jeter un coup d'œil sur ses arbres fruitiers.

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