La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1573)

Chapitre XVI

A partir de ce moment, Trouche sortit tous les soirs, vers neuf heures, lorsque les rues étaient désertes. Il racontait à sa femme qu'il allait dans le vieux quartier faire de la propagande pour l'abbé. D'ailleurs, Olympe n'était pas jalouse ; elle riait, lorsqu'il lui rapportait quelque histoire risquée ; elle préférait les chatteries solitaires, les petits verres pris toute seule, les gâteaux mangés en cachette, les longues soirées passées chaudement dans le lit, à dévorer un vieux fonds de cabinet de lecture, découvert par elle rue Canquoin. Trouche rentrait gris raisonnablement ; il ôtait ses souliers dans le vestibule pour monter l'escalier sans bruit. Quand il avait trop bu, quand il empoisonnait la pipe et l'eau-de-vie, sa femme ne le voulait pas à côté d'elle ; elle le forçait à coucher sur le canapé. C'était alorsune lutte sourde, silencieuse. Il revenait avec l'entêtement de l'ivresse, s'accrochait aux couvertures ; mais il chancelait, glissait, tombait sur les mains, et elle finissait par le rouler comme une masse. S'il commençait à crier, elle le serrait à la gorge, le regardant fixement, murmurant :

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