La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1875)

Chapitre XVIII

Il n'y a pas grand mal, lorsqu'on ne tue que des mouches, fit remarquer le docteur. Mais les fous lucides n'ont pas tous cette innocence. Il en est qui torturent leur famille par quelque vice caché, passé à l'état de manie : des misérables qui boivent, qui se livrent à des débauches secrètes, qui volent par besoin de voler, qui agonisent d'orgueil, de jalousie, d'ambition. Et ils ont l'hypocrisie de leur folie, à ce point qu'ils parviennent à se surveiller, à mener jusqu'au bout les projets les plus compliqués, à répondre raisonnablement, sans que personne puisse sedouter de leurs lésions cérébrales ; puis, dès qu'ils rentrent dans l'intimité, dès qu'ils sont seuls avec leurs victimes, ils s'abandonnent à leurs conceptions délirantes, ils se changent en bourreaux... S'ils n'assassinent pas, ils tuent en détail.

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