La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1895)

Chapitre XVIII

Alors, les deux sociétés convinrent de veiller un soir, jusqu'à minuit, s'il le fallait, pour avoir le cœur net de cette aventure. La nuit suivante, elles se tinrent aux aguets dans les deux jardins ; mais Mouret ne parut pas. Trois soirées furent ainsi perdues. La sous-préfecture abandonnait la partie ; madame de Condamin refusait de rester sous les marronniers, où il faisait un noir terrible, lorsque, la quatrième nuit, par un ciel d'encre, une lumière tremblota au rez-de-chaussée des Mouret. Monsieur Péqueur des Saulaies, averti, se glissa lui-même dans l'impasse des Chevillottes, pour inviter la famille Rastoil à venir sur la terrasse de son hôtel, d'où l'on dominait le jardin voisin. Le président, à l'affût avec ses demoiselles derrière sa cascade, eut une courte hésitation, réfléchissant que, politiquement, il s'engageait beaucoup en allant ainsi chez le sous-préfet ; mais la nuitétait si sombre, sa fille Aurélie tenait tellement à prouver la réalité de son histoire, qu'il suivit monsieur Péqueur des Saulaies, à pas étouffés, dans l'ombre. Ce fut de la sorte que la légitimité, à Plassans, pénétra pour la première fois chez un fonctionnaire bonapartiste.

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