La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1924)

Chapitre XVIII

Enfin, dit-elle, on ne peut pas laisser conduire les élections par un homme qui va s'agenouiller au milieu de ses salades, à minuit passé. Cette nuit devint légendaire. Monsieur de Condamin eut beau jeu, lorsqu'il raconta l'aventure à Monsieur de Bourdeu, à Monsieur Maffre et aux abbés, qui n'avaient pas vu le voisin avec un cierge. Trois jours plus tard, le quartier jurait avoir aperçu le fou qui battait sa femme se promenant la tête couverte d'undrap de lit. Sous la tonnelle, aux réunions de l'après-midi, on se préoccupait surtout de la candidature possible du cordonnier de Mouret. On riait, tout en s'étudiant les uns les autres. C'était une façon de se tâter politiquement. Monsieur de Bourdeu, à certaines confidences de son ami le président, croyait comprendre qu'une entente tacite pourrait se faire sur son nom entre la sous-préfecture et l'opposition modérée, de façon à battre honteusement les républicains. Aussi se montrait-il de plus en plus sarcastique contre le marquis de Lagrifoul, dont il relevait scrupuleusement les moindres bévues à la Chambre. Monsieur Delangre, qui ne venait que de loin en loin, en alléguant les soucis de son administration municipale, souriait finement, à chaque nouvelle moquerie de l'ancien préfet.

?>