La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°198)

Chapitre II

En haut, à la fenêtre, l'abbé Faujas, tête nue, regardait la nuit noire. Il demeura longtemps là, heureux d'être enfin seul, s'absorbant dans ces pensées qui lui mettaient tant de dureté au front. Sous lui, il sentait le sommeil tranquille de cette maison où il était depuis quelques heures, l'haleine pure des enfants, le souffle honnête de Marthe, la respiration grosse et régulière de Mouret. Et il y avait un mépris dans le redressement de son cou de lutteur, tandis qu'il levait la tête comme pour voir au loin, jusqu'au fond de la petite ville endormie. Les grands arbres du jardin de la sous-préfecture faisaient une masse sombre, les poiriers de monsieur Rastoil allongeaient des membres maigres et tordus ; puis, ce n'était plus qu'une mer de ténèbres, un néant, dont pas un bruit ne montait. La ville avait une innocence de fille au berceau.

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