La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°2009)

Chapitre XIX

Cependant, l'abbé Faujas se multipliait ; on ne voyait que lui dans les rues, depuis quelque temps. Il se soignait davantage, faisait effort pour garder un sourire aimable aux lèvres. Les paupières, par instants, se baissaient, éteignant la flamme sombre de son regard. Souvent, à bout de patience, las de ces luttes mesquines de chaque jour, il rentrait dans sa chambre nue, les poings serrés, les épaules gonflées de sa force inutile, souhaitant quelque colosse à étouffer pour se soulager. La vieille madame Rougon, qu'il continuait à voir en secret, était son bon génie ; elle le chapitrait d'importance, tenait son grand corps plié devant elle sur une chaise basse, lui répétait qu'il devrait plaire, qu'il gâterait tout en montrant bêtement ses bras nus de lutteur. Plus tard, quand il serait le maître, il prendrait Plassans à la gorge, il l'étranglerait, si cela pouvait le contenter. Certes, elle n'était pas tendre pour Plassans, contre lequel elle avait une rancune de quarante années de misère, et qu'elle faisait crever de dépit depuis le coup d'Etat.

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