La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°2089)

Chapitre XIX

Au fond des sacristies, au fond des confessionnaux, le nom de monsieur Delangre était balbutié ; il roulait dans l'écho des nefs, tombait des chaires de la banlieue, s'administrait d'oreille à oreille, comme un sacrement, s'élargissait jusqu'au fond des dernières maisons dévotes. Les prêtres le portaient entre les plis de leur soutane ; l'abbé Bourrette lui donnait la bonhomie respectable de son ventre ; l'abbé Surin, la grâce de son sourire ; monseigneur Rousselot, le charme tout féminin de sa bénédiction pastorale. Les dames de la société ne tarissaient pas sur monsieur Delangre, elles lui trouvaientun si beau caractère, une figure si fine, si spirituelle ! Madame Rastoil rougissait encore ; madame Paloque était presque belle en s'enthousiasmant ; quant à madame de Condamin, elle se serait battue à coups d'éventail pour lui, elle lui gagnait les cœurs par la façon dont elle serrait tendrement la main aux électeurs qui promettaient leurs voix. Enfin, monsieur Delangre passionnait le cercle de la Jeunesse. Séverin l'avait pris pour héros, tandis que Guillaume et les fils Maffre allaient lui conquérir des sympathies dans les mauvais lieux de la ville. Et il n'était pas jusqu'aux jeunes coquines de l'œuvre de la Vierge qui, au fond des ruelles désertes des remparts, ne jouassent au bouchon avec les apprentis tanneurs du quartier, en célébrant les mérites de monsieur Delangre.

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