La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°2090)

Chapitre XIX

Au jour du scrutin, la majorité fut écrasante. Toute la ville était complice. Le marquis de Lagrifoul, puis monsieur de Bourdeu, furibonds tous deux, criant à la trahison, avaient retiré leurs candidatures. Monsieur Delangre était donc resté seul en présence du chapelier Maurin. Ce dernier obtint les voix des quinze cents républicains intraitables du faubourg. Le maire eut pour lui les campagnes, la colonie bonapartiste, les bourgeois cléricaux de la ville neuve, les petits détaillants poltrons du vieux quartier, même quelques royalistes naïfs du quartier Saint-Marc, dont les nobles habitants s'abstinrent. Il réunit ainsi trente-trois mille voix. L'affaire fut menée si rondement, le succès emporté avec une telle gaillardise, que Plassans demeura tout surpris, le soir de l'élection, d'avoir eu une volonté si unanime. La ville crut qu'elle venait de faire un rêve héroïque, qu'une main puissante avait dû frapper le sol pour en tirer cestrente-trois mille électeurs, cette armée légèrement effrayante, dont personne jusque-là n'avait soupçonné la force. Les politiques du cercle du Commerce se regardaient d'un air perplexe, en hommes que la victoire confond.

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