La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°2227)

Chapitre XX

Marthe seule restait un obstacle. L'abbé Faujas la sentait lui échapper chaque jour davantage ; il raidissait sa volonté, appelait ses forces de prêtre et d'homme pour la plier, sans parvenir à modérer en elle l'ardeur qu'il lui avait soufflée. Elle allait au but logique de toute passion, exigeait d'entrer plus avant à chaque heure dans la paix, dans l'extase, dans le néant parfait du bonheur divin. Et c'était en elle une angoisse mortelle d'être comme murée au fond de sa chair, de ne pouvoir se hausser à ce seuil de lumière, qu'elle croyait apercevoir, toujours plus loin, toujours plus haut. Maintenant, elle grelottait, à Saint-Saturnin, dans cette ombre froide où elle avait goûté des approches si pleines d'ardentes délices ; les ronflements des orgues passaient sur sa nuque inclinée, sans soulever ses poils follets d'un frisson de volupté ; les fumées blanches de l'encens ne l'assoupissaient plus au milieu d'un rêve mystique ; les chapelles flambantes, les saints ciboires rayonnant comme des astres, les chasubles d'or et d'argent, pâlissaient, se noyaient, sous ses regards obscurcis de larmes. Alors, ainsi qu'une damnée, brûlée des feux du paradis, elle levait les bras désespérément, elle réclamait l'amant qui se refusait à elle, balbutiant, criant :

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