La Curée

La Curée (paragraphe n°1203)

Chapitre VI

Au sommet de ce tas d'or, madame de Guende, en Plutus, était assise, Plutus femme, Plutus montrant sa gorge, dans les grandes lames de sa robe, prise à tous les métaux. Autour du dieu, se groupaient, debout, à demi couchées, unies en grappe, ou fleurissant à l'écart, les efflorescences féeriques de cette grotte, où les califes des Mille et Une Nuits avaient vidé leur trésor : madame Haffner en Or, avec une jupe roide et resplendissante d'évêque ; madame d'Espanet en Argent, luisante comme un clair de lune ; madame de Lauwerens, d'un bleu ardent, en Saphir, ayant à son côté la petite madame Daste, une Turquoise souriante, qui bleuissait tendrement ; puis s'égrenaient l'Emeraude, madame de Meinhold, et la Topaze, madame Teissière ; et, plus bas, la comtesse Vanska donnait son ardeur sombre au Corail, allongée, les bras levés, chargés de pendeloques rouges, pareille à un polype monstrueux et adorable, qui montrait des chairs de femme dans des nacres roses etentrebâillées de coquillages. Ces dames avaient des colliers, des bracelets, des parures complètes, faites chacune de la pierre précieuse que le personnage représentait. On remarqua beaucoup les bijoux originaux de mesdames d'Espanet et Haffner, composés uniquement de petites pièces d'or et de petites pièces d'argent neuves. Puis, au premier plan, le drame restait le même : la nymphe Echo tentait le beau Narcisse, qui refusait encore du geste. Et les yeux des spectateurs s'accoutumaient avec ravissement à ce trou béant ouvert sur les entrailles enflammées du globe, à ce tas d'or sur lequel se vautrait la richesse d'un monde.

?>