La Curée

La Curée (paragraphe n°1260)

Chapitre VI

Le préfet avait une rancune contre la marquise, mais sa galanterie n'hésita pas ; il s'empressa, trouva la chaise, installa madame d'Espanet, et resta derrière son dos, à la servir. Elle ne voulut que quelques crevettes, avec un peu de beurre, et deux doigts de champagne. Elle mangeait avec des mines délicates, au milieu de la gloutonnerie des hommes. La table et les chaises étaient exclusivement réservées aux dames. Mais on faisait toujours une exception en faveur du baron Gouraud. Il était là, carrément assis, devant un morceau de pâté, dont ses mâchoires broyaient la croûte avec lenteur. La marquise reconquit le préfet en lui disant qu'elle n'oublierait jamais ses émotions d'artiste, dans Les Amours du beau Narcisse et de la nymphe Echo. Elle lui expliqua même pourquoi on ne l'avait pas attendu, d'une façon qui le consola complètement : ces dames, en apprenant que le ministre était là, avaient pensé qu'il serait peu convenable de prolonger l'entracte. Elle finit par le prier d'aller chercher madame Haffner, qui dansait avec monsieur Simpson, un homme brutal, disait-elle, et qui lui déplaisait. Et, quand Suzanne fut là, elle ne regarda plus monsieur Hupel de la Noue.

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