La Curée

La Curée (paragraphe n°1404)

Chapitre VII

Ces messieurs, avec leurs bottes bien cirées, leurs redingotes et leurs chapeaux de haute forme, mettaient une singulière note dans ce paysage boueux, d'un jaune sale, où ne passaient que des ouvriers blêmes, des chevaux crottés jusqu'à l'échine, des chariots dont le bois disparaissait sous une croûte de poussière. Ils se suivaient à la file, sautaient de pierre en pierre, évitant les mares de fange coulante, parfois enfonçaient jusqu'aux chevilles et juraient alors en secouant les pieds. Saccard avait parlé d'aller prendre la rue de Charonne, ce qui leur aurait évité cette promenade dans ces terres défoncées ; mais ils avaient malheureusement plusieurs immeubles à visiter sur la longue ligne du boulevard ; la curiosité les poussant, ils s'étaient décidés à passer au beau milieu des travaux. D'ailleurs, ça les intéressait beaucoup. Ils s'arrêtaient parfois en équilibre sur un plâtras roulé au fond d'une ornière, levaient le nez, s'appelaient pour se montrer un plancher béant, un tuyau de cheminée resté en l'air, une solive tombée sur un toit voisin. Ce coin de ville détruite, au sortir de la rue du Temple, leur semblait tout à fait drôle.

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