La Curée

La Curée (paragraphe n°1478)

Chapitre VII

Alors, en face de ce grand jour, de ces nappes de soleil, elle songea à la cendre fine du crépuscule qu'elle avait vue tomber un soir sur les feuillages jaunis. Maxime l'accompagnait. C'était à l'époque où le désir de cet enfant s'éveillait en elle. Et elle revoyait les pelouses trempées par l'air du soir, les taillis assombris, les allées désertes. La file des voitures passait avec un bruit triste, le long des chaises vides, tandis qu'aujourd'hui le roulement des roues, le trot des chevaux, sonnaient avec des joies de fanfare. Puis toutes ses promenades au Bois lui revinrent. Elle y avait vécu, Maxime avait grandi là, à côté d'elle, sur le coussin de sa voiture. C'était leur jardin. La pluie les y surprenait, le soleil les y ramenait, la nuit ne les en chassait pas toujours. Ils s'y promenaient par tous les temps, ils y goûtaient les ennuis et les joies de leur vie. Dans le vide de son être, dans la mélancolie du départ de Céleste, ces souvenirs lui causaient une joie amère. Son cœur disait : Jamais plus ! jamais plus ! Et elle resta glacée, quand elle évoqua ce paysage d'hiver, ce lac figé et terni, sur lequel ils avaient patiné ; le ciel était couleur de suie, la neige cousait aux arbres des guipures blanches, la bise leur jetait aux yeux et aux lèvres un sable fin.

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