La Curée

La Curée (paragraphe n°1483)

Chapitre VII

Les taillis fuyaient toujours, l'eau du lac s'irisait sous les rayons plus obliques, la file des voitures allongeait ses lueurs dansantes. Et la jeune femme, prise elle-même et emportée dans cette jouissance, avait la vague conscience de tous ces appétits qui roulaient au milieu du soleil. Elle ne se sentait pas d'indignation contre ces mangeurs de curée. Mais elle les haïssait, pour leur joie, pour ce triomphe qui les lui montraient en pleine poussière d'or du ciel. Ils étaient superbes et souriants ; les femmes s'étalaient, blanches et grasses ; les hommes avaient des regards vifs, des allures charmées d'amants heureux. Et elle, au fond de son cœur vide, ne trouvait plus qu'une lassitude, qu'une envie sourde. Etait-elle donc meilleure que les autres, pour plier ainsi sous les plaisirs ? ou était-ce les autres qui étaient louables d'avoir les reins plus forts que les siens ? Elle ne savait pas, elle souhaitait de nouveaux désirs pour recommencer la vie, lorsque, en tournant la tête, elle aperçut, à côté d'elle, sur le trottoirlongeant le taillis, un spectacle qui la déchira d'un coup suprême.

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