La Curée

La Curée (paragraphe n°274)

Chapitre II

Quand Saccard, après avoir arrêté son plan, se mit en quête des premiers fonds, il songea naturellement à sa sœur. Elle secoua la tête, soupira en parlant des trois milliards. Mais l'employé ne lui tolérait pas sa folie, il la secouait rudement chaque fois qu'elle revenait à la dette des Stuarts ; ce rêve lui semblait déshonorer une intelligence si pratique. Madame Sidonie, qui essuyait tranquillement les ironies les plus dures sans que ses convictions fussent ébranlées, lui expliqua ensuite avec une grande lucidité qu'il ne trouverait pas un sou, n'ayant à offrir aucune garantie. Cette conversation avait lieu devant la Bourse, où elle devait jouer ses économies. Vers trois heures, on était certain de la trouver appuyée contre la grille, à gauche, du côté du bureau de poste ; c'était là qu'elle donnait audience à des individus louches et vagues comme elle. Son frère allait la quitter, lorsqu'elle murmura d'un ton désolé : " Ah ! si tu n'étais pas marié !... " Cette réticence, dont il ne voulut pasdemander le sens complet et exact, rendit Saccard singulièrement rêveur.

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