La Curée

La Curée (paragraphe n°380)

Chapitre II

Ce fut ainsi qu'Aristide Saccard remporta sa première victoire. Il quadrupla sa mise de fonds et gagna deux complices. Une seule chose l'inquiéta ; lorsqu'il voulutanéantir les fameux livres de madame Sidonie, il ne les trouva plus. Il courut chez Larsonneau, qui lui avoua carrément qu'il les avait, en effet, et qu'il les gardait. L'autre ne se fâcha pas ; il sembla dire qu'il n'avait eu de l'inquiétude que pour ce cher ami, beaucoup plus compromis que lui par ces écritures presque entièrement de sa main, mais qu'il était rassuré, du moment où elles se trouvaient en sa possession. Au fond, il eût volontiers étranglé le " cher ami " ; il se souvenait d'une pièce fort compromettante, d'un inventaire faux, qu'il avait eu la bêtise de dresser, et qui devait être resté dans l'un des registres. Larsonneau, payé grassement, alla monter un cabinet d'affaires rue de Rivoli, où il eut des bureaux meublés avec le luxe d'un appartement de fille. Saccard, après avoir quitté l'Hôtel de Ville, pouvant mettre en branle un roulement de fonds considérable, se lança dans la spéculation à outrance, tandis que Renée, grisée, folle, emplissait Paris du bruit de ses équipages, de l'éclat de ses diamants, du vertige de sa vie adorable et tapageuse.

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