La Curée

La Curée (paragraphe n°431)

Chapitre III

Renée riait. Sa poupée, ce grand gamin aux mines de fille, lui semblait impayable, depuis qu'elle était amoureuse. Il vint un moment où madame Haffner dut se défendre sérieusement. D'ailleurs, ces dames encourageaient Maxime par leurs rires étouffés, leurs demi-mots, les attitudes coquettes qu'elles prenaient devant cet enfant précoce. Il entrait là une pointe de débauche fort aristocratique. Toutes trois, dans leur vie tumultueuse, brûlées par la passion, s'arrêtaient à la dépravation charmante du galopin, comme à un piment original et sans danger qui réveillait leur goût. Elles lui laissaient toucher leur robe, frôler leurs épaules de ses doigts, lorsqu'il les suivait dans l'antichambre, pour jeter sur elles leur sortie de bal ; elles se le passaient de main en main, riant comme des folles, quand il leur baisait les poignets, du côté des veines, à cette place où la peau est si douce ; puis elles se faisaient maternelles et lui enseignaient doctement l'art d'être bel homme et de plaireaux dames. C'était leur joujou, un petit homme d'un mécanisme ingénieux, qui embrassait, qui faisait la cour, qui avait les plus aimables vices du monde, mais qui restait un joujou, un petit homme de carton qu'on ne craignait pas trop, assez cependant pour avoir, sous sa main enfantine, un frisson très doux.

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