La Curée

La Curée (paragraphe n°564)

Chapitre IV

Elle accepta. Son régal de femme curieuse tournait mal, et elle se désespérait de rentrer ainsi avec une illusion de moins et un commencement de migraine. Elleavait cru longtemps qu'un bal d'actrices était drôle à mourir. Le printemps, comme il arrive parfois dans les derniers jours d'octobre, semblait être revenu ; la nuit avait des tiédeurs de mai, et les quelques frissons froids qui passaient, mettaient dans l'air une gaieté de plus. Renée, la tête à la portière, resta silencieuse, regardant la foule, les cafés, les restaurants, dont la file interminable courait devant elle. Elle était devenue toute sérieuse, perdue au fond de ces vagues souhaits dont s'emplissent les rêveries de femmes. Ce large trottoir que balayaient les robes des filles, et où les bottes des hommes sonnaient avec des familiarités particulières, cet asphalte gris où lui semblait passer le galop des plaisirs et des amours faciles, réveillaient ses désirs endormis, lui faisaient oublier ce bal idiot dont elle sortait, pour lui laisser entrevoir d'autres joies de plus haut goût. Aux fenêtres des cabinets de Brébant, elle aperçut des ombres de femmes sur la blancheur des rideaux. Et Maxime lui conta une histoire très risquée, d'un mari trompé qui avait ainsi surpris, sur un rideau, l'ombre de sa femme en flagrant délit avec l'ombre d'un amant. Elle l'écoutait à peine. Lui, s'égaya, finit par lui prendre les mains, par la taquiner, en lui parlant de ce pauvre monsieur de Mussy.

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