La Curée

La Curée (paragraphe n°711)

Chapitre IV

Renée sommeilla toute la journée devant le feu. Aux heures de crise, elle avait des langueurs de créole. Alors, toute sa turbulence devenait paresseuse, frileuse, endormie. Elle grelottait, il lui fallait des brasiers ardents, une chaleur suffocante qui lui mettait au front de petites gouttes de sueur, et qui l'assoupissait. Dans cet air brûlant, dans ce bain de flammes, elle ne souffrait presque plus ; sa douleur devenait comme un songe léger, un vague oppressement, dont l'indécision même finissait par être voluptueuse. Ce fut ainsi qu'elle berça jusqu'au soir ses remords de la veille, dans la clarté rouge du foyer, en face d'un terrible feu qui faisait craquer les meubles autour d'elle, et lui ôtait, par instants, la conscience de son être. Elle put songer à Maxime,comme à une jouissance enflammée dont les rayons la brûlaient ; elle eut un cauchemar d'étranges amours, au milieu de bûchers, sur des lits chauffés à blanc. Céleste allait et venait, dans la chambre, avec sa figure calme de servante au sang glacé. Elle avait l'ordre de ne laisser entrer personne ; elle congédia même les inséparables, Adeline d'Espanet et Suzanne Haffner, de retour d'un déjeuner qu'elles venaient de faire ensemble, dans un pavillon loué par elles à Saint-Germain. Cependant, vers le soir, Céleste étant venue dire à sa maîtresse que madame Sidonie, la sœur de Monsieur, voulait lui parler, elle reçut l'ordre de l'introduire.

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