La Curée

La Curée (paragraphe n°752)

Chapitre IV

Mais le cabinet avait un coin délicieux, et ce coin-là surtout le rendait célèbre. En face de la fenêtre, les pans de la tente s'ouvraient et découvraient, au fond d'une sorte d'alcôve longue et peu profonde, une baignoire, une vasque de marbre rose, enfoncée dans le plancher, et dont les bords cannelés comme ceux d'une grande coquillearrivaient au ras du tapis. On descendait dans la baignoire par des marches de marbre. Au-dessus des robinets d'argent, au col de cygne, une glace de Venise, découpée, sans cadre, avec des dessins dépolis dans le cristal, occupait le fond de l'alcôve. Chaque matin, Renée prenait un bain de quelques minutes. Ce bain emplissait pour la journée le cabinet d'une moiteur, d'une odeur de chair fraîche et mouillée. Parfois, un flacon débouché, un savon resté hors de sa boîte, mettaient une pointe plus violente dans cette langueur un peu fade. La jeune femme aimait à rester là, jusqu'à midi, presque nue. La tente ronde, elle aussi, était nue. Cette baignoire rose, ces tables et ces cuvettes roses, cette mousseline du plafond et des murs, sous laquelle on croyait voir couler un sang rose, prenaient des rondeurs de chair, des rondeurs d'épaules et de seins ; et, selon l'heure de la journée, on eût dit la peau neigeuse d'une enfant ou la peau chaude d'une femme. C'était une grande nudité. Quand Renée sortait du bain, son corps blond n'ajoutait qu'un peu de rose à toute cette chair rose de la pièce.

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