La Curée

La Curée (paragraphe n°791)

Chapitre V

D'ailleurs, il n'était pas pressé, il ménageait ses moyens. Il mit tout l'hiver à mûrir son plan, tiraillé par cent affaires plus embrouillées les unes que les autres. Ce fut pour lui un hiver terrible, plein de secousses, une campagne prodigieuse, pendant laquelle il lui fallut chaque jour vaincre la faillite. Loin de restreindre son train de maison, il donna fête sur fête. Mais, s'il parvint à faire face à tout, il dut négliger Renée, qu'il réservait pour son coup de triomphe, lorsque l'opération de Charonne serait mûre. Il se contenta de préparer le dénouement, en continuant à ne plus lui donner de l'argent que par l'entremise de Larsonneau. Quand il pouvait disposer de quelques milliers de francs, et qu'elle criait misère, il les lui apportait, en disant que les hommes à Larsonneau exigeaient un billet du double de la somme. Cette comédie l'amusait énormément, l'histoire de ces billets le ravissait par le roman qu'ils mettaient dans l'affaire. Même au temps de ses bénéfices les plus nets, il avait servi la pension de sa femme d'une façon très irrégulière, lui faisant des cadeaux princiers, lui abandonnant des poignées de billets de banque, puis la laissant aux abois pour une misère pendant des semaines. Maintenant qu'ilse trouvait sérieusement embarrassé, il parlait des charges de la maison, il la traitait en créancier, auquel on ne veut pas avouer sa ruine, et qu'on fait patienter avec des histoires. Elle l'écoutait à peine ; elle signait tout ce qu'il voulait ; elle se plaignait seulement de ne pouvoir signer davantage.

?>