La Curée

La Curée (paragraphe n°799)

Chapitre V

Puis, quand vint le printemps, Renée se rappela son ancienne élégie. Elle voulut que Maxime se promenât avec elle dans le parc Monceau, la nuit, au clair de lune. Ils allèrent dans la grotte, s'assirent sur l'herbe, devant la colonnade. Mais lorsqu'elle témoigna le désir de faire une promenade sur le petit lac, ils s'aperçurent que la barque qu'on voyait de l'hôtel, attachée au bord d'une allée, n'avait pas de rames. On devait les retirer le soir. Ce fut une désillusion. D'ailleurs, les grandes ombres du parc inquiétaient les amants. Ils auraient souhaité qu'on y donnât une fête vénitienne, avec des ballons rouges et un orchestre. Ils le préféraient, le jour, l'après-midi, et souvent ils se mettaient alors à une des fenêtres de l'hôtel, pour voir les équipages qui suivaient la courbe savante de la grande allée. Ils se plaisaient à ce coin charmant du nouveau Paris, à cette nature aimable et propre, à ces pelouses pareilles à des pans de velours, coupées de corbeilles, d'arbustes choisis, et bordées de magnifiques roses blanches. Les voitures se croisaient là, aussinombreuses que sur un boulevard ; les promeneuses y traînaient leurs jupes, mollement, comme si elles n'eussent pas quitté du pied les tapis de leurs salons. Et, à travers les feuillages, ils critiquaient les toilettes, se montraient les attelages, goûtaient de véritables douceurs aux couleurs tendres de ce grand jardin. Un bout de grille dorée brillait entre deux arbres, une file de canards passait sur le lac, le petit pont Renaissance blanchissait, tout neuf dans les verdures, tandis qu'aux deux bords de la grande allée, sur des chaises jaunes, les mères oubliaient en causant les petits garçons et les petites filles qui se regardaient d'un air joli, avec des moues d'enfants précoces.

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