La Curée

La Curée (paragraphe n°878)

Chapitre V

Elle garda ce drame pour elle seule, en doubla la souffrance par les fièvres de son imagination. Elle eût préféré mourir que d'avouer la vérité à Maxime. C'était une peur sourde que le jeune homme ne se révoltât, ne la quittât ; c'était surtout une croyance si absolue de péché monstrueux et de damnation éternelle, qu'elle aurait plus volontiers traversé nue le parc Monceau, que de confesser sa honte à voix basse. Elle restait, d'ailleurs, l'étourdie qui étonnait Paris par ses extravagances. Des gaietés nerveuses la prenaient, des caprices prodigieux, dont s'entretenaient les journaux, en la désignant par ses initiales. Ce fut à cette époque qu'elle voulut sérieusement se battre en duel, au pistolet, avec la duchesse de Sternich, qui avait, méchamment disait-elle, renversé un verre de punch sur sa robe ; il fallut que son beau-frère le ministre se fâchât. Une autre fois, elle paria avec madame de Lauwerens qu'elle ferait le tour de la piste de Longchamp en moins de dix minutes, et ce ne fut qu'une question de costume qui la retint. Maxime lui-même commençait à être effrayé par cette tête où la folie montait, et où il croyait entendre, la nuit, sur l'oreiller, tout le tapage d'une ville en rut de plaisirs.

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