La Curée

La Curée (paragraphe n°947)

Chapitre V

Ce fut le lendemain que Saccard se décida à brusquer le dénouement de l'affaire de Charonne. Sa femme lui appartenait ; il venait de la sentir douce et inerte entre ses mains, comme une chose qui s'abandonne. D'autre part, le tracé du boulevard du Prince-Eugène allait être arrêté, il fallait que Renée fût dépouillée avant que l'expropriation prochaine s'ébruitât. Saccard montrait,dans toute cette affaire, un amour d'artiste ; il regardait mûrir son plan avec dévotion, tendait ses pièges avec les raffinements d'un chasseur qui met de la coquetterie à prendre galamment le gibier. C'était, chez lui, une simple satisfaction de joueur adroit, d'homme goûtant une volupté particulière au gain volé ; il voulait avoir les terrains pour un morceau de pain, quitte à donner cent mille francs de bijoux à sa femme, dans la joie du triomphe. Les opérations les plus simples se compliquaient, dès qu'il s'en occupait, devenaient des drames noirs ; il se passionnait, il aurait battu son père pour une pièce de cent sous. Et il semait ensuite l'or royalement.

?>