La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°146)

Partie : PREMIERE PARTIE, chapitre II

Ce fut ainsi que Jean se trouva en arrière, égaré au fond d'un chemin creux, avec son escouade, qu'il n'avait pas voulu lâcher. Le 106e avait disparu, plus un homme ni même un officier de la compagnie. Il n'y avait là que des soldats isolés, un pêle-mêle d'inconnus, éreintés dès le commencement de l'étape, chacun marchant à son loisir, au hasard des sentiers. Le soleil était accablant, il faisait très chaud ; et le sac, alourdi par la tente et le matériel compliqué qui le gonflait, pesait terriblement aux épaules. Beaucoup n'avaient point l'habitude de le porter, gênés déjà dans l'épaisse capote de campagne, pareille à une chape de plomb. Brusquement, un petit soldat pâle, les yeux emplis d'eau, s'arrêta, jeta son sac dans un fossé, avec un grand soupir, le souffle fort de l'homme à l'agonie qui se reprend à l'existence.

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