La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°2209)

Chapitre I

Le soleil était déjà très haut, lorsque Prosper se réveilla. En ouvrant les yeux, tandis que les camarades ronflaient encore, il aperçut leur hôte, en train d'atteler un cheval à une grande carriole, chargée de pains, de riz, de café, de sucre, toutes sortes de provisions, cachées sous des sacs de charbon de bois ; et il apprit que le brave homme avait en France, à Raucourt, deux filles mariées, auxquelles il allait porter ces provisions, les sachant dans un dénuement complet, à la suite du passage des Bavarois. Dès le matin, il s'était procuré le sauf-conduit nécessaire. Tout de suite, Prosper fut saisi d'un désir fou, s'asseoir lui aussi sur le banc de la carriole, retourner là-bas, dans le coin de terre, dont la nostalgie l'angoissait déjà. Rien n'était plus simple, il descendrait à Remilly, que le fermier se trouvait forcé de traverser. Et ce fut arrangé en trois minutes, on lui prêta le pantalon et la blouse tant souhaités, le fermier le donna partout comme son garçon ; de sorte que, vers six heures, il débarqua devant l'église, après n'avoir été arrêté que deux ou trois fois par des postes allemands.

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