La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°2229)

Chapitre I

Mais, quand le calme fut un peu revenu, Fouchard fut très ennuyé d'entendre que Silvine parlait toujours d'aller chercher le corps d'Honoré, là-bas. Elle s'obstinait, sans cris maintenant, dans un silence désespéré et invincible ; et il ne la reconnaissait plus, elle si docile, faisant toutes les besognes en fille résignée : ses grands yeux de soumission qui suffisaient à la beauté de son visage avaient pris une décision farouche, tandis que son front restait pâle, sous le flot de ses épais cheveux bruns. Elle venait d'arracher un fichu rouge qu'elle avait aux épaules, elle s'était mise toute en noir, comme une veuve. Vainement, il lui représenta la difficulté des recherches, les dangers qu'elle pouvait courir, le peu d'espoir qu'il y avait de retrouver le corps. Elle cessait même de répondre, il voyait bien qu'elle partirait seule, qu'elle ferait quelque folie, s'il ne s'en occupait pas, ce qui l'inquiétait plus encore, à cause des complications où cela pouvait le jeter avec les autorités prussiennes. Aussi finit-il par se décider à se rendre chez le maire de Remilly, qui était un peu son cousin, et à eux deux ils arrangèrent unehistoire : Silvine fut donnée pour la veuve véritable d'Honoré, Prosper devint son frère ; de sorte que le colonel bavarois, installé en bas du village, à l'hôtel de la Croix de Malte, voulut bien délivrer un laissez-passer pour le frère et la sœur, les autorisant à ramener le corps du mari, s'ils le découvraient. La nuit était venue, tout ce qu'on put obtenir de la jeune femme, ce fut qu'elle attendrait le jour pour se mettre en marche.

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