La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°2982)

Chapitre VII

Et Maurice s'isolait de ses camarades, avait une haine grandissante contre son métier de soldat, qui le parquait à l'abri du mont Valérien, oisif et inutile. Aussi faisait-il naître les occasions, s'échappant avec plus de hâte pour venir dans ce Paris, où était son cœur. Il ne se trouvait à l'aise qu'au milieu de la foule, il voulait se forcer à espérer comme elle. Souvent, il allait voir partir les ballons, qui tous les deux jours, s'enlevaient de la gare du Nord, emportant des pigeons voyageurs et des dépêches.Dans le triste ciel d'hiver, les ballons montaient, disparaissaient ; et les cœurs se serraient d'angoisse, lorsque le vent les poussait vers l'Allemagne. Beaucoup devaient s'être perdus. Lui-même avait écrit deux fois à sa sœur Henriette, sans savoir si elle recevait ses lettres. Le souvenir de sa sœur, le souvenir de Jean étaient si reculés, là-bas, au fond de ce vaste monde d'où rien n'arrivait plus, qu'il songeait rarement à eux, comme à des affections laissées dans une autre existence. Son être était trop plein de la continuelle tempête d'abattement et d'exaltation où il vivait. Puis, dès les premiers jours de janvier, ce fut une autre colère qui le souleva, celle du bombardement des quartiers de la rive gauche. Il avait fini par attribuer à des raisons d'humanité les retards des Prussiens, dus simplement à des difficultés d'installation. Maintenant qu'un obus avait tué deux petites filles au Val-de-Grâce, il était plein d'un mépris furieux contre ces barbares qui assassinaient les enfants, qui menaçaient de brûler les musées et les bibliothèques. D'ailleurs, après les premiers jours d'effroi, Paris reprenait sous les bombes sa vie d'héroïque entêtement.

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