La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°360)

Partie : PREMIERE PARTIE, chapitre IV

Le 106e, pour aller rejoindre la route de Reims à Vouziers, coupa presque tout de suite par des chemins de traverse, monta à travers des chaumes, pendant plus d'une heure. En bas, vers le nord, on apercevait parmi des arbres Béthiniville, où l'on disait que l'empereur avait couché. Et, lorsqu'on fut sur la route de Vouziers, les plaines de la veille recommencèrent, la Champagne pouilleuse acheva de dérouler ses champs pauvres, d'une désespérante monotonie. Maintenant, c'était l'Ame, un maigre ruisseau, qui coulait à gauche, tandis que les terres nues s'étendaient à droite, à l'infini, prolongeant l'horizon de leurs lignes plates. On traversa des villages,Saint-Clément, dont l'unique rue serpente aux deux bords de la route, Saint-Pierre, gros bourg de richards qui avaient barricadé leurs portes et leurs fenêtres. La grande halte eut lieu, vers dix heures, près d'un autre village, Saint-Etienne, où les soldats eurent la joie de trouver encore du tabac. Le 7e corps s'était divisé en plusieurs colonnes, le 106e marchait seul, n'ayant derrière lui qu'un bataillon de chasseurs et que l'artillerie de réserve ; et, vainement, Maurice se retournait, aux coudes des routes, pour revoir l'immense convoi qui l'avait intéressé la veille : les troupeaux s'en étaient allés, il n'y avait plus que des canons roulant, grandis par ces plaines rases, comme des sauterelles sombres et hautes sur pattes.

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