La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°108)

Partie : Livre 1, chapitre IV

Quand l'abbé Mouret ne sentit plus la Teuse derrière lui, il s'arrêta, heureux d'être enfin seul. L'église était bâtie sur un tertre peu élevé, qui descendait en pente douce jusqu'au village ; elle s'allongeait, pareille à une bergerie abandonnée, percée de larges fenêtres, égayée par des tuiles rouges. Le prêtre se retourna, jetant un coup d'œil sur le presbytère, une masure grisâtre, collée au flanc même de la nef ; puis, comme s'il eût craint d'être repris par l'intarissable bavardage bourdonnant à ses oreilles depuis le matin, il remonta à droite, il ne se crut en sûreté que devant le grand portail, où l'on ne pouvait l'apercevoir de la cure. La façade de l'église, toute nue, rongée par les soleils et les pluies, était surmontée d'une étroite cage en maçonnerie, au milieu de laquelle une petite cloche mettait son profil noir ; on voyait le bout de la corde, entrant dans les tuiles. Six marches rompues, à demi enterrées par un bout, menaient à la haute porte ronde, crevassée, mangée de poussière, de rouille, de toiles d'araignées, si lamentable sur ses gonds arrachés que les coups de vent semblaient devoir entrer, au premier souffle. L'abbé Mouret, qui avait des tendresses pour cette ruine, alla s'adosser contre un des vantaux, sur le perron. De là, il embrassait d'un coup d'œil tout le pays. Les mains aux yeux, il regarda, il chercha à l'horizon.

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