La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1154)

Partie : Livre 2, chapitre XII

Il dit non de la tête. Puis, ils s'en allèrent, se tenant à la taille ; mais ils étaient redevenus anxieux. Serge abaissait des regards de côté sur le visage d'Albine, qui souffrait, les paupières battantes, à être ainsi regardée. Tous deux auraient voulu redescendre, s'éviter le malaise d'une promenade plus longue. Et, malgré eux, comme cédant à une force qui les poussait, ils tournèrent un rocher, ils arrivèrent sur un plateau, où les attendait de nouveau l'ivresse du grand soleil. Ce n'était plus l'heureuse langueur des plantes aromatiques, le musc du thym, l'encens de la lavande. Ils écrasaient des herbes puantes : l'absinthe, d'une griserie amère ; la rue, d'une odeur de chair fétide ; la valériane, brûlante, toute trempée de sa sueur aphrodisiaque. Des mandragores, des ciguës, des hellébores, des belladones, montait un vertige à leurs tempes, un assoupissement, qui les faisait chanceler aux bras l'un de l'autre, le cœur sur les lèvres.

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